Pourquoi Zola a écrit J'accuse et quelles en sont les conséquences?

 

La position de Zola au sein des intellectuels français de la fin du XIXème siècle est très particulière. Tout d'abord, il bénéficie d'un prestige littéraire puisqu'il vient de conclure la série des Rougeon Macquart. D'autre part, il prend un certain recul par rapport à l'antisémitisme persistant de ses confrères proches comme Daudet ou Huysmann qui n'ont jamais caché leur méfiance face aux Juifs.

Zola ne semble pourtant pas s'interresser au procès Dreyfus, dès le début de ce qui deviendra L'Affiare. Cela dit, il apparaît choqué par les propos antisémites que tient Edouard Drumont dans La Libre Parole, journal dont Drumont est lui-même Rédacteur en chef. Cette mise en alerte dans les années 1894 à 1897 conduit Zola à s'engager dans la lutte contre l'Antisémitisme avec un article provocateur qui paraît dans le Figaro du 16 mai 1896 et intitulé "Pour les Juifs". Il y dénonce " le retour du fanatisme" dans le "Grand Paris".

Par la suite, il rencontre rencontre en 1896 et 1897, les nouvelles figures emblématiques de lutte pour la vérité. Ainsi, il s'entretient avec Bernard Lazard qui vient de publier sa brochure : la vérité sur L'affaire Dreyfus. D'autre part, Zola rencontre aussi Sheurer-Kestner, vice président du Sénat, qui le pérsuade de faire éclater la vérité. Grâce à ces témoignages, convaincu, Zola s'engage vraiment et prend la mesure de ce qui l'attend. Il devra s'attaquer au Président, au gouvernement, au parlement, à l'Eglise Catholique, à l'opinion publique...bref à toutes les institutions de l'époque.

Cela dit, Zola avait déjà livré bataille pour la République en 1870 et contre la censure en 1885 à la parution de Germinal. C'est donc conscient des risques et convaicu de la vérité que Zola se lance dans la lutte Dreyfusarde en publiant le 25 novembre 1897, un article réhabilitant le vice président du Sénat - très critiqué pour ses positions dreyfusarde- et intitulé Sheurer-Kestner. Zola écrira deux autres articles contre l'antisémitisme : le syndicat, et procès verbal.

Malgré tout, ces critiques d'ordre général, ne sont pas assez percutantes, pour déclencher l'élan nécessaire à la révision du procès, d'autant plus que le véritable coupable, Estherazy, est acquitté le 11 janvier 1898.

Le 13 janvier, parait dans le quotidien L'Aurore, un pamphlet unique dans l'Histoire de la littérature engagée : J'accuse (voir l'original). L'article, rédigé dans la précipitation et sans preuves suffisantes, comporte quelques erreurs judiciaires, cela dit il est un parfait exemple du contre pouvoir de la presse.

Ainsi, le 13 janvier 1898, où furent vendus plus de 300 000 exemplaires de L'Aurore, est la journée clef de L'Affaire. L'article, par sa construction synthaxique, son titre -trouvé par Clemenceau- et sa promotion exceptionnelle- des centaines de crieurs- , met la vérité en marche. Pour la première fois, en alliant le génie littéraire d'un homme, avec la force polémique et le champ d'action de la presse, L'Aurore et Zola ont fait de celle-ci un redoutable contre pouvoir capable de rétablir la justice et de réequilibrer les forces politiques, comme en témoigne la révision du procès Dreyfus qui émane directement de J'Accuse et de l'engouement qu'il a suscité.