La propagande dans les journaux

La guerre 1914 a un rôle fondateur au 20e siècle en ce qu'elle met aux prises des démocraties et inaugure, à une échelle entièrement nouvelle, la mobilisation des civils et la nécessité de convaincre l'opinion. Elle fait entrer la propagande, jusqu'alors plus ou moins réservée aux cercles socialistes et militants, dans les institutions. Impliquant des millions d'hommes, tant au front qu'à l'arrière, la guerre demande l'adhésion plus ou moins réticente de tous, d'où la nécessité de convaincre sans cesse. De la propagande on passe au bourrage de crâne. D'autre part, le conflit met aux prises des nations où, en France comme en Angleterre ou en Allemagne, tout le monde sait lire et où tout la grande presse joue le rôle d'un média de masse, capable de toucher tous les membres de la communauté nationale. L'affiche, la photographie et le cinéma sont utilisés comme auxiliaires.
Pour donner au pays des raisons d'espérer, la presse découvrit, poussée par la censure et le talent de ses journalistes, les règles de la propagande moderne :les régimes totalitaires de l'après-guerre ne firent, le plus souvent, que systématiser l'usage de techniques mises au point alors, presque inconsciemment, par les journaux français et allemands.
Si les civils trouvèrent dans la lecture des journaux l'occasion de se rassurer, même s'ils devinaient, plus ou moins consciemment, que ces feuilles servaient surtout à leur éviter de se poser trop de redoutables problèmes, la presse fut un des facteurs essentiels d'une véritable rupture dans la nation entre les combattants et les civils. La plupart des écrits des soldats portent témoignage de la colère qu'ils éprouvaient à la lecture des journaux, et du mépris dans lequel ils tenaient les journalistes. Les récits de la vie et des combats du front présentés dans la presse étaient écrits pour les civiles ; ils étaient illisibles pour les soldats.
Compromise, par devoir ou par inconscience, au service de la propagande, la presse française perdit, dans cette guerre, la confiance quasi instinctive que lui avaient accordée jusqu'alors ses lecteurs.